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Parler du viol pour contrer le César de la honte

TW : attouchement, viol

Avertissement : ceci est un témoignage. Je serais sûrement problématique ou pas renseignée parce que je ne fais pas une thèse. Je raconte juste mon ressenti.

Qu’il est lourd ce dimanche 1e mars 2020. Deux jours avant était récompensé Roman Polansk aux Césars, montrant au monde entier qu’un violeur qui fuit la justice peut gagner une haute récompense du cinéma.

J’aime le cinéma et j’ai été violée. Forcément, tout ça, me touche profondément. Comment l’art que j’aime si profondément peut récompenser ce genre de personnes ? Si profondément que ça a réveillé tout ce que je (me) cachais jusque-là.

Culture du viol & zone grise

Comme une bonne petite personne du genre féminin, j’ai appris à me taire et surtout, la culture du viol m’a bien fait comprendre que mon désir ne valait pas celui de mes partenaires. Donc mon consentement, je peux me le carrer derrière l’oreille. Oui, je suis salée, et ya de quoi.

J’ai 30 ans cette année. Et j’ai peur des hommes, je suis pas toujours à l’aise avec mes amis du genre masculin. Et ça me fait chier. Tout ça parce que ma vie est une suite de rencontres avec des hommes qui sont en plein dans la culture du viol (et moi-aussi à l’époque) et que ça m’a fermé aux autres.

Cette culture du viol nous fait croire qu’un viol est violent d’un inconnu dans la rue alors que ce n’est systématiquement pas le cas. Alors que dans mon cas, c’est que mon consentement n’est pas là, dans le cadre du couple. Je n’ai pas souvent envie de faire l’amour donc forcément mes partenaires sont frustrés. Donc forcément, je vais me forcer pour LEUR faire plaisir, sauf que mon plaisir n’est pas là. Mais ça…

De 16 à 21 ans donc, j’ai eu deux partenaires. J’ai donc vécu 5 ans de viol dans cette zone grise. La zone grise, c’est cet endroit où généralement l’un des deux partenaire cède pour faire plaisir à l’autre. Sauf que :

Céder n’est pas consentir.

Eh oui. Donc mes deux partenaires sont des horribles violeurs ? Non. Non, nous vivons juste dans une culture où l’homme peut faire valoir son désir sur celui de l’autre ; où la femme est passive, se laisse faire et l’homme actif et s’impose. Et effectivement, moi-aussi pendant longtemps j’ai cru ça.

J’avais honte de n’avoir pas envie et donc de frustrer l’autre. J’avais honte de ne pas être « à la hauteur ». Et donc je me forçais. Le revers de la médaille est que maintenant, je mets tout le monde loin de moi pour que jamais plus je n’ai à me forcer.

Maintenant, je suis mal à l’aise en tête-à-tête avec un mec parce que j’ai PEUR qu’il se trompe sur mon compte ou mes désirs. J’ai refusé des invitations sûrement sans arrière-pensé parce que j’avais PEUR d’une mésentente sur ce que j’envoyais. J’ai souvent l’impression d’être en retrait pour ne pas envoyer de faux messages aux hommes. Je me bride. Et ça fait chier.

D’ailleurs, si je parle rarement de ça, c’est que je minimise beaucoup ce qui m’est arrivé. Je me dis « non mais c’est pas comme un « vrai » viol » (celui qu’on voit dans les média). Effectivement, ce n’est pas comme ce viol très violent. Mais est-ce que je dois cacher ça ? Est-ce que le dire ne va pas me permettre d’aller mieux ? Avouer enfin que j’ai peur des hommes parce que j’ai peur de ceux qui sont dans la culture du viol ?

La culture du viol, ça commence très tôt

Cette affaire, mais aussi une fameuse histoire de coïncidence (si ça existe) et de timing, fait que tout ça réveiller aussi une histoire d’attouchement que j’ai vécu jeune. Malheureusement pour moi, ça a aussi touché ma sœur et ce fait résulte une culpabilité à ne l’avoir pas protéger assez alors que je suis la grande sœur.

Sauf que jeune, quand tu n’as pas la notion de la sexualisation, tu te rends pas compte si tu fais mal. Surtout quand l’autre en face n’est pas plus vieux que toi. Sauf que ça a dû quand même me forger. Ça a dû laisser une empreinte dont je ne mesure pas la profondeur aujourd’hui.

Peut-être que je suis devenue deux fois plus prudente. Que c’est ce qui fait que je me sens mal si je dois rentrer seule le soir dans Paris ? Que je mets des pantalons ? Que j’étudie mes parcours avant de sortir ? On est beaucoup à faire ça, et j’envie tellement celles qui sont à l’aise.

De plus en plus, j’essaye de me détendre là-dessus mais c’est long et compliqué. En écrivant tout ça, j’ai à la fois honte et les larmes aux yeux, sûrement qu’on m’a appris à avoir honte de tout ça et en même temps, mon corps sait que je souffre et que je le cache.

Je travaille sur moi depuis longtemps. J’ai des petites victoires : je dis quand je suis mal à l’aise, j’ai repoussé un mec qui voulait m’embrasser de force « parce que les autres s’embrassaient » (hummm nique-toi sale porc ?), je fais confiance à mes potes safe. J’apprends à me re-ouvrir aux hommes, parce que j’ai la chance d’être entourée de personnes féministes ou au moins des alliés respectueux. Ils sont la preuve vivante que tous les mecs ne sont pas des sacs de merde. Et ça me rend si triste que ce soient les seuls à se sentir honteux d’être des mecs. Pour tous les autres.

Je n’en veux pas à ces trois mecs qui ont été dans cette culture du viol. Plus maintenant. Parce que j’y étais aussi. Mais maintenant, il faut éduquer les autres, les futurs et ne pas se laisser impressionner par ceux qui crachent sur les victimes de viol en remettant des prix à des violeurs qui fuient la justice.

Il est temps de parler. Il est temps de dire que céder n’est pas consentir. Que le consentement c’est variable, que rien n’est acquis, que le respect c’est pour les deux côtés. Et nous vivrons heureux·ses ensemble #bizounours

Portez-vous bien.

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