Bonjour à tous et bienvenu ! Symbolik a pour but de décrypter les symbolismes au cinéma mais aussi les ressorts scénaristiques ! Commençons ce 1e numéro avec la folie !
Une folie ou des folies ?
Tout d’abord débutons par la définition du Petit Robert :
Un fou est une “personne atteinte de troubles, de désordres mentaux”.
Cette définition est très orientée médicale mais on peut aussi la voir sous un angle métaphorique. C’est celui qui a perdu pied avec la réalité. Celui qui n’est plus dans les carquants définis par la société, il n’est plus sain.
Certains films se basent sur un scénario avec classique : un personnage sain au début devient fou au fur et à mesure du film.
Pourquoi un tel scénario ? C’est le film qui va répondre à cette question. Dans Shining, Jack devient fou petit à petit à cause d’une malédiction indienne. L’hôtel qu’il doit garder est “évidemment” construit sur un cimetière indien. Ah… Stephen King et les cimetières indiens… La folie est, on peut dire, provoquée, par un élément extérieur. Mais on peut aussi y voir une répétition, un cycle, une malédiction qui revient toujours. Jack semble être un fantôme qui revient toujours dans ce même hôtel. Mais c’est un autre sujet.
Mais ce n’est pas le seul moyen de devenir fou au cinéma. Un événement brutal peut aussi faire basculer le personnage dans un état de démence. Ceci est utilisé soit pour expliquer l’origine d’un personnage soit pour en faire sortir un de l’histoire.
Harvey Dent (Aaron Eckhart) dans The Dark Knight (incarne parfaitement ce ressort scénaristique. Au départ, il est un peu l’égal de Bruce Wayne puis va devenir fou suite à un incident. De plus, il porte sur lui, physiquement, les stigmates de sa folie : une demie partie de visage complètement ravagée.

Dans d’autres cas, la folie est si ancrée, comme si le personnage était né comme ça (et ce n’est pas exclus), qu’elle fait partie intégrante de lui-même. Le Joker (Heath Ledger), toujours dans The Dark Knight, est fou, pas de naissance mais c’est si ancré en lui qu’il incarne parfaitement cette folie viscérale. S’il ne l’était pas, il ne serait pas le fameux ennemi de Batman. Et peu importe pourquoi il est comme ça, l’important du personnage est sa folie. Folie qui permet de relever la santé mentale du héros. La folie sert de critère de référence dans un monde qui part en couille.
Dans les deux cas précédents, nous étions dans le monde du comics, donc un monde imaginaire. Cela permet d’exacerber leur folie.
Mais les fous qui sont le plus terrifiants (au moins pour moi), sont ceux qui pourraient exister. Pour le cas d’Hannibal Lecter et autres comparses du même genre, le fou est conscient de l’être et en profite. La folie dans ce cas est consciente et acceptée parfaitement et entièrement. Ce sont les fous les plus dangereux car ils sortent la morale et de la société avec plaisir.

Ce qui sauve les héros est qu’ils ont des règles qu’ils ne franchissent pas. Des gardes-fous pour les fous. Ce sont des êtres de pulsions et souvent très intelligents. Le meilleur exemple reste Hannibal Lecter du Silence des agneaux. J’ai mis 25 ans pour voir ce film tant j’avais peur de ce personnage. Rien que son aura dans les journaux et critiques, dans le bouche à oreille autour de moi en a fait un personnage terriblement flippant.
La folie peut aussi se déclarer lorsque le héros n’a plus d’autres échappatoires. Mais à quel prix ?
Cas spécial : la schizophrénie
La folie au cinéma passe souvent par la schizophrénie. La schizophrénie est une maladie clinique complexe, le cinéma a souvent réduit celle-ci à seulement deux facettes : le bon sous tous rapports et la bête qui se cache. L’exemple le plus connu est Docteur Jeckill, un peu timide, scientifique et gentilhomme devient Mister Hyde la nuit pour tuer des femmes. Deux personnalités bien distinctes, ici provoquées par un agent externe. Deux personnalités pour décrire les facettes de l’âme humaine. Mais aussi les sortir au grand jour malgré la morale. Sous couvert d’une expérience, le bon docteur tue. Hulk est aussi basé sur cette mécanique. Son déclencheur est la colère.
Le cas Donnie Darko est spécial. Le héros est schizophrène, conscient de l’être, se complait, mais, en même temps, sa “folie” est positive. Sans vous spoiler, car ce film est très très complexe, sa folie permet d’une le prétexte du film et de deux, la résolution.
La symbolique de la schizophrénie permet de mettre en valeur notre part “inconsciente”, en lui laissant le champ libre, nous nous laissons aller à nos pulsions. Certains plus que d’autres d’ailleurs.
La folie comme touche personnelle
La folie n’est pas toujours un élément à combattre. Parfois, certains personnage sont au fait de leur particularité et vivent avec. La folie va alors devenir un détail marquant et démarquant du personnage, un bagage supplémentaire, peut-être expliqué, peut-être expliquant, certains aspects du scénario ou de la personnalité. Je vais faire une digression par le petit écran avec True Detective. Le détective Cohle a des hallucinations, les autres le prennent pour un fou, ou, en tout cas, pour un mec qui n’a pas toute sa tête. Pourtant, ça ne l’empêche pas de faire son taff et d’arriver à la fin de l’enquête.
Dans Inhérent Vice, c’est un peu le même procédé. Malgré toute la fumette qu’il consomme, Doc Sportello parvient à résoudre l’enquête qu’on lui a confiée. Son attitude décontractée et leste de son personnage le rendre attachant. Sa folie, ici provoquée par les psychotropes, en font un sympathique loser.
La folie : démêler le vrai du faux
La folie permet de cacher des éléments, de les transformer. Dans l’Armée des Douze Singes, le héros passe par un asile pour finalement découvrir la vérité mais plus tard. Les fous ne sont pas toujours ceux qu’on croit.
Mais démêler le vrai du faux est aussi le travail du spectateur. Ressort scénaristique assez courant, le héros se révèle être fou. Ou, en tout cas, certains autres personnages tentent de nous le faire croire. Ainsi, on se retrouve piégé avec tout ce que l’on a vu et suivi juste avant. Est-ce que le personnage se croit dans son monde ou est-ce qu’il est dans le vrai et il est enfermé contre son gré ? Qui a raison ? Qui a tord ? Le twist de ces films est toujours assez puissant. L’exemple le plus parlant est, bien sûr, Shutter Island de Martin Scorsese tiré du livre éponyme de Dennis Lehane.
Le personnage peut aussi se faire passer pour fou pour décrypter son monde ou comprendre où il est enfermé. La folie devient alors une porte d’entrée vers un monde caché en temps normal. C’est le cas dans Hamlet de Shakespear ou Vol au-dessus d’un nid de coucou adapté au cinéma par Milos Forman

La folie : aborder des sujets controversés
La folie permet aussi de parler de sujet controversé ou de sujet politique. Terry Giliam, dans L’Armée des Douze Singes, et ses personnages peuvent traiter de sujet qui ne sont normalement pas correct de discuter : la consommation dans un premier temps. Ce sujet, en 1995, est plus controversé que maintenant. Le contexte du film est sûrement plus provocateur qu’en 2015, où les gens sont plus au fait des limites de la consommation. Le deuxième sujet est l’extermination de l’humanité. Sous couvert de la maltraitance envers les animaux et leur soumission aux hommes, Cole propose d’exterminer l’espèce humaine.
Avoir la solution depuis le début
Les fous ne sont pas ou peu écoutés. Et lorsque on leur prête attention, bien souvent on ne pige pas une bille de ce qu’ils disent. Scénaristiquement parlant, c’est bien pratique car on a un personnage qui connaît la vérité mais qui ne peut pas la dire ou n’est pas entendu. On appelle ça de l’ironie (ou en terme dramatique, une ironie dramatique si le spectateur comprend les enjeux ou un twist si le ou la scénariste lui a caché). Bien souvent, c’est à la fin, que le héros se rendra compte soit d’avoir loupé quelque chose en n’écoutant pas le fou ou comprendra enfin ces paroles.
Comment rendre la folie au cinéma ?
Golum, dans le seigneur des anneaux, a plusieurs scènes pour nous montrer sa schizophrénie. Reflet dans l’eau (ou un miroir le plus souvent) ou changement d’angle de caméra sont les deux utilisées. Ce sont d’ailleurs les deux procédés couramment utilisés pour montrer un être schizophrène. Je consacrerai sûrement un épisode sur les miroirs qui ont cette fonction-là entre autres.
Pour en savoir plus sur les symbolik des miroirs au cinéma : « Miroirs, mon beau miroir au cinéma »
Il existe aussi des films où la folie est traitée par les images : flou, dédoublement de l’image, accélération ou ralentissement des image. On peut penser aux quelques premières minutes de Mad Max : Fury Road de George Miller.
Cela donne souvent une impression d’être ivre et donc d’être en empathie avec le personnage puisqu’on voit comme lui. On peut donc mieux s’immerger dans ce qu’il vit ou traverse.

La folie relève donc de plusieurs symbolique assez variées. Folie pure, acceptée ou non, dédoublement de personnalité pour laisser voir les pulsions que l’on cache normalement, folie feinte pour atteindre un monde caché ou folie comme ressort scénaristique. Y’a de quoi devenir fou !
Si cet article vous a plu, n’hésitez pas à en parler autour de vous ! D’ici là je vous dis à bientôt, ouvrez l’oeil et portez-vous bien !
Quelques films évoquant la folie
- Vol au-dessus d’un nid de coucou Milos Forman (1976)
- True Detective Niz Pizzolatto (2014)
- Shutter Island Martin Scorsese (2010)
- Shining Stanley Kubrick (1980)
- The Dark Knight, Le Chevalier Noir Christopher Nolan (2008)
- Batman Tim Burton (1989)
- Le Silence des agneaux Jonathan Demme (1991)
- Le Seigneur des anneaux Peter Jackson (2002)
- Edge of sanity Gérard Kikoïne (1989)
- Donnie Darko Richard Kelly (2001)
- Inherent vice Paul Thomas Anderson (2015)
- L’armée des douze singes Terry Gilliam (1996)
- Fight Club David Fincher (1999)
- Mad Max : Fury Road George Miller (2015)
- Sucker Punch Zack Snyder (2011)
- Psychose Alfred Hitchcock (1960)