Les films ne sont que des reflets de la vraie vie véritable. En France, 1 personne sur 10 est tatoué mais cela n’était pas le cas il y a dix ans. Je suis tatouée, ma sœur est elle-même tatouée et tatoueuse, le tatouage est donc parlant pour moi ! Mais penchons-nous sur le cinéma.
Le tatouage a toujours été présent dans les films. Cette pratique est déjà fortement connotée et forte en symbole dans l’acte ou le dessin ; les films ne font qu’en reprendre ses codes. Les tatouages prennent les mêmes symboliques et les mêmes engagements que dans la vraie vie. Découvrons ensemble quelques symboles que le cinéma reprend grâce aux tatouages pour faire passer un discours.
Le tatouage est pratiqué depuis presque le début de l’humanité. Des momies du Néolithique ont été retrouvées tatoués. Probablement des tatouages thérapeutiques.
Groupe et clan
Le tatouage sert à démarquer les gens en groupe. On fait parti d’une tribu. On peut aussi, à l’origine, y voir un langage particulier, des dessins mystiques, des dessins pour parler aux divins.
Le tatouage, sert à décrire des sortes de castes. Dans certaines tribus, il faut mériter ses tatouages suivant des haut-faits. À l’intérieur même d’un groupe, on différencie les individus suivant leurs actes, décrits par les tatouages.

Puis le tatouage, enfin son dessin, permet de s’approprier les valeurs de ce qui est représenté. Si je me fais tatouer un lion alors je gagnerai les valeurs du lion. Mais, si je me tatoue un scorpion, tatouage courant dans les peuples ancestraux qui ont côtoyé l’animal, est-ce que je deviens un scorpion ? Non ! Je m’en protège. Deux symboles s’accordent au tatouage : l’un pour devenir ce tatouage, en gagner la force et prêter allégeance à l’animal et ce qu’il représente et l’autre symbolique pour m’en protéger. Dans Dragon Rouge, Francis Dolarhyde (Ralph Fiennes) se tatoue le dragon de William Blake dans le dos pour incarner ce symbole qu’est le dragon.
Puis le tatouage, dans nos sociétés, a été attribué à des gens de mauvaises compagnies comme les marins, les voleurs, les meurtriers. Les règles judéo-chrétiennes ont interdit le tatouage, réservé aux païens. Les tatouages se font à l’arrière des bars ou dans les prisons, des endroits assez mal famés. Ce n’est que dans les années 2000 où le tatouage se démocratise jusqu’à aujourd’hui. Bref, un historique du tatouage qui a bien évolué mais qui peut rester ancré dans les esprits comme réservé à certaines personnes. Un personnage tatoué peut donc être rapidement associé à l’une de ses castes mal vues.
Quand les tatouages parlent pour la personne
Certaines sociétés continuent de se baser sur les tatouages comme des ornements explicatifs de la personne, une sorte de carte, de passeport. On peut citer les sociétés souvent mafieuses comme les cartels russe ou les Yakuza pour le Japon. D’ailleurs, le tatouage au sein des Yakusa, ou même pour toutes sortes de tribus, est obligatoire. Les tatouages sont choisis d’avance et l’on se fait tatouer tel ou tel motif sans avoir à y redire.
Dans les Promesses de l’ombre, on peut découvrir un panel assez conséquent de tatouages russes et si l’on sait les lire, on peut connaître l’identité et l’histoire de la personne qui les porte.

Tatouages comme souvenir ou prison
Se faire tatouer est un acte volontaire, un acte d’appartenance à un groupe (conscient ou non) mais parfois le tatouage s’inverse pour le porteur qui devient un souvenir forcé. Je pense au numéro tatoué sur les bras des juifs pendant les camps de concentration. Le tatouage devient alors une prison, une appartenance forcé à un groupe par un autre groupe, une différenciation.
Se faire tatouer de force reste un cas à part. Bien souvent, le tatouage reste pour la personne un exutoire. Certains personnages se tatouent pour raconter leur vie, pour marquer à vie les événements qu’ils traversent. Un très bel exemple dans le film Alabama Monroe.
Dans Millénium, Lisbeth Salander se tatoue mais surtout tatoue son violeur pour sortir sa haine et sa violence envers lui. On a alors une double signification : pour elle l’exutoire, pour lui être mis dans un groupe de force, tatoué à jamais ; ce qui les réunit alors est la force et la violence de l’acte.
Tatouage qui prend vie
Le tatouage devient la personne elle-même. On ne se tatoue pas n’importe quoi. Il est rare d’avoir un tatouage sans sens derrière. Ainsi, le tatouage peut prendre vie et agir pour la personne. Dans X-men : First Class, Angel Salvadore a des ailes tatoués dans le dos, mais ce n’est qu’un leurre pour cacher ses véritables ailes.
Le tatouage est un dessin indélébile, qui reste, qui nous marque. Ainsi, certain personnage s’en sert pour se souvenir, que le tatouage soit fait de leur chef ou non.
Renforcer un personnage
Parfois, les tatouages prennent une place inattendue dans un film. Robert De Niro décide, alors que ce n’est pas inscrit dans le scénario, de se faire tatouer dans Les nerfs à Vif. Ce personnage prend alors de la force. Malgré les réticences du réalisateur, Scorsese, les critiques seront favorables à ce personnage.
Le cas le plus emblématique du cinéma
Comment parler de tatouage au cinéma sans parler de la Nuit du chasseur ? Robert Mitchum incarne un pasteur. Or, ce pasteur a deux tatouages bien en vu, sur ses mains : le mot “hate” à gauche, la main classique du diable et “love” à droite. Les mains sont la partie du corps qui transforme, qui agit, elles sont aussi visibles en permanence.
De plus, nous avons vu précédemment que les tatouages n’étaient pas bien vus dans la religion catholique, c’est un peu euphémisme : c’est interdit. Nous avons donc affaire à un pasteur, représentant direct de cette religion, qui semble respecté et aimé par les membres de la communauté qu’il intègre. Comment peut-on croire un homme tatoué mais religieux ?

Il a une petite histoire pour expliquer pourquoi il est tatoué pour rassurer son auditoire. Une histoire empreinte de religion, un conte.. Hate serait pour décrire le mal qui habite dans l’homme, en prenant Caïn, le premier meurtrier de l’histoire comme exemple. Et Love serait les forces divines qui prennent le dessus sur cette haine. Cela enchante le public adulte et naïf qui n’arrive pas à voir plus loin que l’habit de prêtre que l’homme porte. Les enfants, qui sont normalement la naïveté incarnée, voient plus loin que les apparences et doutent de cet “amour” tatoué. Le film retourne tous les standards, nous force à nous demander en permanence si les apparences sont réellement ce qu’elles sont.
Ces tatouages, et ce film, ont fait si grand bruit que sur la réimpression d’affiches en 2016, seules les mains de Mitchum illustraient le film.
Voici trois films subjectifs sur l’utilisation ou mettant en scène des tatouages :
- Educazione Sibériana de Gabriele Salvatores. Le tatouage n’est ici que partie du décor de ce monde sibérien et carcéral. Comme pour les Promesses de l’ombre, les tatouages permettent de comprendre les personnages en lisant sur eux leur vie
- American Story X de Tony Kaye pour comprendre qu’un tatouage c’est à vie. Que si l’on change de vie, de groupe, le tatouage nous hantera
- Alabama Monroe de Felix Van Groeningen qui raconte la vie d’une jeune maman et qui est tatoueuse. Elle marque sa vie comme elle écrirait dans un journal intime, c’est son exutoire face à la vie.
Cet article est à présent terminé. J’espère que cela vous aura intéressé, je remercie ma soeur pour sa relecture et ses conseils ! N’hésitez pas à me dire dans les commentaires ce que le tatouage évoque pour vous et quels sont les films qui vous ont marqué avec ces symbolismes. Sur ce, je vous dis à bientôt, ouvrez l’œil et portez-vous bien !
- Millénium Niels Arden Oplev (2009)
- X-men Bryan Singer (2000)
- X-men : First Class Matthew Vaughn (2011)
- Alabama Monroe Felix Van Groeningen (2013)
- Memento Christopher Nolan (2000)
- Les promesses de l’ombre David Cronenberg (2007)
- La Nuit du chasseur Charles Laughton, Robert Mitchum (1956)
- Les Nerfs à vif Martin Scorsese (1992)
- Educazione Sibériana Gabriele Salvatores (2013)
- American Story X Tony Kaye (1999)
- Dragon Rouge Brett Ratner (2002)
- The Yakusa Sydney Pollack (1974)
- Constantine Francis Lawrence (2005)
- Preacher (Saison 1, épisode 5) Seth Rogen et Evan Goldberg (2016)
- Supernatural McG (2005)