Les toilettes sont-elles si peu symboliques dans les films ?

Commençons les symboliques des pièces d’une maison avec une salle que l’on côtoie si souvent dans la journée, une pièce vitale pour notre bien-être, une pièce de délivrance, j’ai bien entendu nommé les toilettes. Ablution, bain, cabinet, chiottes, gogues, latrines, tinette, autant de mots pour autant de symboliques ou presque. C’est parti ! 

La routine

Les toilettes sont à la fois une pièce où l’on va très souvent, nous humain, et une pièce où la morale ne veut pas s’aventurer. Pendant très longtemps, aux US, une liste de choses censurées au cinéma a été mis en place sous le nom de code Hays. Le code a été écrit par William Hays (original), président de la Motion Pictures Producers and Distributors Association qui été mis en place de 1934 à 1966. Ce code a pour but d’éviter l’intervention de l’Etat sur la production des films en matière de censure, les studios prennent donc les devants et censurent eux-mêmes les œuvres produites. Vous avez dit ingénieux ou stupides ?

Par exemple, montrer un meurtre ok mais pas s’il permet d’être d’accord ou de comprendre le meurtrier, pas d’adultère, pas de scène de baisers trop torrides (et j’ai bien dit baiser, un petit bisou, un touchage de lèvre de gamins de dix ans), pas trop de détail quant au dynamitage des trains ou encore pas le droit d’utiliser les mots “god, jésus, Christ, Hell” trop blasphématoire pour l’époque. Imaginez montrer même une image de toilette, c’était prohibé. La morale catholique réprouve les besoins naturels jusque dans les films. Ce moment doit rester intime et caché. Pour la petite anecdote, le premier film américain a montré quelqu’un se servir d’une chasse d’eau, rien que ça, est Psychose d’Alfred Hitchcock en 1960. Des images choquantes vont suivre, éloigner les enfants et les puritains du poste. Âme sensible s’abstenir.

Eyes wide shut de Stanley Kubrick

Normalement, tout le monde comprend ou sait ce qu’on peut faire dans les toilettes dans son utilisation classique (mais chacun fait ce qu’il veut hein). Mais montrer un personnage aller aux toilettes juste pour qu’il se soulage serait bien ennuyeux et donc bien souvent coupés. Mais montrer le passage aux toilettes pour ajouter quelque chose telle une rencontre, un fait marquant, un détail sur un personnage, là le cinéma aime cette pièce, il en raffole même ! Avec par exemple, pour montrer le comportement de certaines personnages comme les boulimiques d’Elephant de Gus Van Sant, tout juste revenues de la cantine. Mais nous y reviendrons pour voir plus de scènes susceptible de se dérouler dans les toilettes.

Un moment aussi anodin qu’aller aux toilettes peut devenir un véritable moment de gloire dans certains cas comme dans la Ligne Verte où Tom Hank peut enfin aller se soulager après que John Coffey l’ait soigné. Les toilettes étant le lieu le plus intime, cette image d’un personnage enfin soulagé jusque-là permet d’accentuer notre proximité avec lui, de comprendre son apaisement profond et de nous rapprocher de son sauveur : John Coffey le pipou de douze mètres de haut.

Et pour finir dans le registre classique de l’utilisation des toilettes au cinéma, nous trouvons les scènes d’intimité d’un couple. Les toilettes, ou plus largement la salle de bain, servent à entrer directement au cœur de l’intimité d’un couple, de sa routine, On en a un excellent exemple dans Eyes Wide Shut de Stanley Kubrick.

Situation embarrassante

Si les toilettes sont un lieu intime, c’est aussi le meilleur lieu pour briser violemment cette intimité. Aller aux toilettes dans des lieux publics n’est pas toujours facile pour tout le monde et le cinéma s’en régale. Être aux toilettes rend le personnage fragile psychologiquement et physiquement. Ne parlons pas du moment où celui-ci, en plus, est malade. Faire du bruit, avoir un comportement étrange, se ruer sur les toilettes rend le moment encore plus gênant ou drôle suivant votre humour.

Mais ces moments gênants peuvent être utilisés expressément pour faire rire ou exagérer pour en démonter le côté dramatique de la chose. On en vient alors aux films dits comique qui se régalent de ce genre de situation. Entre les toilettes qui explosent, les bruits exagérément sonores de vidage d’intestins ou encore de porte qui tombe voire carrément de toilettes qui traverse le plafond (dans P.R.O.F.S), on ne manque pas de scènes et de situations. Il y a une scène qui dure très longtemps dans The Party de Blake Edwards si vous voulez profiter d’une succession de gags dans cette pièce, qui finie, bien sûr, ruinée.

Shinning de Stanley Kubrick

Un endroit secret & dégoûtant

Evidemment, les toilettes sont aussi une des rares pièces un peu secrète de la maison ou d’un lieu. Comme c’est le lieu où l’on peut faire nos petites affaires tranquilles, d’autres petites affaires sont faites tranquillement. On peut penser entre autre à la drogue ou au sexe. Ceci est renforcé par la non-mixité souvent impliqué des toilettes publiques.

Les toilettes, comme pièce, architecturalement parlant, sont un peu étranges, elles sont aussi parfaites pour des cache-cache. Ces longues enfilades de portes toutes semblables les unes des autres, seulement trahi par le petit interstice sous la porte, permet de faire des plans à la fois graphique et à suspense. Va t-on nous retrouver ?

Faiblesse d’un instant

On va donc, comme on l’a vu plus tôt, aux toilettes car nous sommes dans un moment de faiblesse : maladie ou simplement pour uriner pépouze. Mais ce n’est pas le cas de tout le monde forcément. Bizarrement, c’est aussi un lieu utilisé pour la bagarre. On vient chercher les embrouilles ou plutôt ce sont les embrouilles qui viennent nous chercher directement sur le trône.

Et celui qui n’a jamais vu ce cliché voire running gag du 7e art qui projette la tête d’un des personnages au fond de la cuvette me jette le premier rouleau de PQ. 

Et pour finir, juste une petite scène qui m’a, je crois beaucoup marqué, est celle dans la Colline à deux yeux où un des protagonistes utilisent des toilettes de chantier mais je vous laisse découvrir cette scène. Hop, on se relâche, on pense être tranquille, et là paf !

Jurassic Park de Steven Spielberg

Si vous aimez les toilettes, voici trois films (complètement subjectifs) qui mettent en scène cette pièce avec brio pour moi :

  • Reservoir dogs avec cette rencontre du 3e type entre les policiers et Mr Pink
  • The Party avec sa très longue scène de gags infinis contenus dans une si petite pièce
  • American Story X où je ne peux pas la décrire sous peine de divulgâcher la fin du film

Cet article est à présent terminé. J’espère que cette petite analyse de cette pièce que l’on visite régulièrement vous aura intéressé. N’hésitez pas à me dire en commentaire les scènes aux toilettes qui vous ont le plus plu, les exemples ne manquent pas ! Si mon travail vous intéresse, n’hésitez pas à partage l’article, ou mieux, partager la vidéo à vos amis pour qu’il puisse la voir au lieu de jouer à Candy Crush aux chiottes !

Je vous dis à bientôt, portez-vous bien et ouvrez l’œil !

Quelques films avec des scènes aux toilettes

  • La colline à des yeux 2 Martin Weisz (2007)
  • Sin City Robert Rodriguez, Frank Miller (2005)
  • La ligne Verte Frank Darabont (2000)
  • The big lebowski Joel Coen, Ethan Coen (1998)
  • L’arme fatale 2 Richard Donner (1989)
  • Matrix Lana et Lilly Wachowski (1999)
  • The Party Blake Edwards (1969)
  • Reservoir dogs Quentin Tarantino (1992)
  • Eyes wide shut Stanley Kubrick (1999)
  • American Story X Tony Kaye (1998)
  • Doctor Who (saison 4, ép. 1) Russell T. Davies, Steven Moffat (2005)
  • La divorcée Robert Z. Leonard (1930)
  • Fast and Furious 5 Justin Lin (2011)
  • 42ème rue Lloyd Bacon (1933)
  • Hells angels Howard Hughes et Edmund Goulding  (1930)
  • Le masque d’or Charles Brabin, Charles Vidor (1932)
  • Female Michael Curtiz et William Dieterle (1933)
  • La femme aux cheveux rouges Jack Conway (1932)
  • Psychose Alfred Hitchcock (1960)
  • Scary Movie 2 Keenen Ivory Wayans (2001)
  • Elephant Gus Van Sant (2003)
  • P.R.O.F.S Patrick Schulmann (1985)
  • Les toilettes au cinéma de Blow Up

Raphaëlle Roux

Je suis une sorte de couteau suisse du web : graphiste, illustratrice, vidéaste et photographe.

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