Il y a des choses que les citadins n’aiment pas trop : les lundis et la pluie. Pourtant, la pluie est un élément essentiel. C’est ce qui permet de faire pousser les choses mais pas que. J’aime la pluie et le cinéma aime la pluie. Voyons ce qu’il se cache derrière ses gros nuages noirs et ces traînées d’eau sur les fenêtres. C’est parti.
Pluie signe des dieux
Dans les mythologies du monde, la pluie est bien souvent associée aux dieux des moissons et de la fertilité. La pluie, c’est un peu le sperme des dieux qui coulent sur la terre pour nous donner à manger. Et bon appétit bien sûr !
La pluie est donc un cadeau du ciel et des dieux. Un élément de base pour nourrir et fertiliser. C’est un élément intermédiaire entre le ciel et la terre.
La Bible est aussi friande de la pluie pour évoquer les signes de Dieu. Tantôt pluie de fertilité pour ceux qui croient, tantôt pluie diluvienne pour les impies. Dieu lave la terre et les hommes de leur péché dans le Déluge, quitte à noyer du monde. Bye bye les rageux.
La pluie, le lavage de conscience
Comme le feu, la pluie lave. Mais elle lave doucement, pas comme le feu qui réduit tout à néant. La pluie, bien souvent, lave l’âme et la conscience. C’est un lavage psychique ou spirituel. Symboliquement, on peut l’attacher au baptême chrétien, où l’eau provoque une seconde naissance, une renaissance.
La pluie lave aussi le monde de sa violence ou de son infamie. Parfois, un film d’action se termine avec un combat final sous la pluie qui va résoudre l’affrontement qui s’est déroulé avant.
L’arrivée de la pluie est parfois parfaitement expliquée comme dans le Seigneur des anneaux : les deux tours où Sarumane contrôle le temps pour démoraliser les combattants du Gouffre d’Helm ou encore dans Henry V de Kenneth Branagh où la bataille d’Azincourt s’est effectivement déroulée sous ou après la pluie.
Et parfois les bagarres sous la pluie, eh bien c’est juste un bon gros cliché du genre. Évidemment, que des bons films y ont recours, on peut citer Batman V Superman, Jack Reacher, John Wick, euh attendez, je dis “bon films” juste avant…
Matrix est plus complexe qu’un simple cliché du genre. L’agent Smith aime la pluie, elle est aussi la représentation physique du code de la matrice et enfin à cet instant. Smith, dans le dernier opus, a outrepassé ses droits sur la matrice et accélère sa chute comme la pluie tombe sur le sol. Ce n’est donc pas anodin où au moment précis où la matrice va être purger qu’il y est de la pluie.

La pluie comme élément dramatique
Mais il y a pire comme cliché pluvieux. Qui n’a pas marre de voir systématiquement des scènes d’enterrement sous la pluie ?
Moi.
Les enterrements sont presque à 80% filmés sous la pluie. Oui, c’est très beau ces images de parapluies soudés autour d’une tombe mais clairement il ne pleut pas à chaque fois que l’on enterre quelqu’un sinon on ne verrait jamais le soleil. La pluie remplace donc les larmes des personnages. La scène étant triste, le ciel se met donc au diapason du film.
Parfois, les personnages n’arrivent pas à exprimer ou à accepter leur peine, la pluie prend alors le relais.
Je vais spoiler quelques éléments de The Crow et de FullMetal Alchemist.
Dans Full Metal Alchemist, un manga japonais d’Hiromu Arakawa que je vous somme de voir si vous ne l’avez pas vu ! Un des deux personnages principaux est Edward, qui se croit un peu trop puissant par moment et la vie le rattrape pour lui filer une mandale à intervalle régulier. Lorsqu’un personnage meurt au début de son aventure, il se cache dans une carapace de déni, ses larmes vont se mélanger à la pluie et nous explique en bien des manières combien sa peine est profonde. Un autre parallèle assez bien vu et ce moment où un personnage normalement fier et fort pleure en faisant croire qu’il pleut alors que le ciel est dégagé.
Un autre exemple ?
Dans The Crow d’Alex Projas, la pluie semble accompagner le héros du début à la fin. La phrase dite d’ailleurs par celui-ci “It can’t rain all the time” prend son sens, quand, à la fin, il s’est vengé et est en paix. Elle peut donc alors cesser. La pluie est le reflet des émotions du personnage : en deuil donc triste et dans un état de revanche mais une revanche apaisée car il sait qu’il va l’accomplir quoiqu’il advienne. La pluie est le meilleur temps pour exprimer ces deux sentiments.
La mort d’un personnage important pour le héros est bien souvent accompagnée de pluie qu’elle se déclenche un peu avant, soit est déjà en route à ce moment. Le héros se met alors à genoux aux côtés du mort en hurlant un grand « noooon » pendant que son visage se couvre d’eau. Quelle tristesse. Cette scène vue et revue est un classique du genre.

Le pluie comme élément de romance
J’ai mis du temps à comprendre pourquoi la pluie était aussi utilisée comme élément de romance absolue.
Comme dit dans l’intro, la pluie n’est pas extrêmement bien placé dans le cœur des gens et pourtant les scènes d’amour pures souvent se passe sous des trombes d’eau. Quel est le fuck ?
Et bien pour la simple raison, que l’amour se fiche qu’il pleuve des cordes. Acte et preuve d’amour ultime que celui d’aller rejoindre l’être aimé sous la pluie. Cela concorde souvent avec l’expression des sentiments réciproques pour la première fois ou des retrouvailles. La pluie n’est évidemment pas désagréable ou froide, c’est le moment d’apprécier les vêtements collés et les cheveux dans les yeux.
La romance peut aussi commencer avec un épisode pluvieux quand le couple se rencontre ou se cherche. Les protagonistes se retrouvent sous le même abri ou l’un propose à l’autre de l’héberger dans sa voiture en attendant que la pluie passe.
Renforcer le côté sombre d’un lieu
Qui aime les films de science-fiction aime la pluie. Raccourci rapide mais tellement vrai !
Bon nombre de films de science-fiction ou dystopiques sont accentués par la pluie, la pluie qui soit dit en passant est continue. Pluie infinie.
La pluie représente la pluie intérieure comme on l’a vu, il peut aussi remplacer la sensation d’une dépression. L’eau coule et ne retient plus rien, surtout pas les émotions dites positives.
La pluie et donc les nuages qui l’accompagnent cachent le soleil et donnent une lumière terne et sans vie. Cela accentue l’effet de dépression surtout dans des villes géantes où les grattes-ciels cachent le ciel d’une manière générale. Souvent, on peut l’expliquer avec un trop-plein de pollution qui crée des nuages au-dessus de la ville, la condamnant dans une obscurité permanente. L’exemple souvent cité est l’indétronable Blade Runner mais d’autres lui ont emboité le pas (ou copié) comme Priest ou Se7en.
Arc-en-ciel
Et pour finir, très rapidement, je vais ouvrir le thème avec un phénomène qui arrive avec la pluie, l’arc-en-ciel.
Non, pas le groupe japonais mais bien le phénomène optique et météorologique qui rend visible le spectre continu de la lumière du ciel quand le soleil brille pendant la pluie.
L’arc-en-ciel est un pont entre le monde sensible et le monde surnaturel, pont de lumière entre la terre et le ciel et entre le ciel et la terre.
Il apparaît dans des mythologies comme l’escalier aux sept couleurs par lequel Bouddha est descendu sur terre nommé le Grand pont, l’écharpe de la déesse Iris qui est la messagère ou encore l’arc d’Indra qui lance des flèches de feu et de pluie et enfin le Bifröst, le pont vers Ásgarðr est fait des couleurs de l’arc-en-ciel.
Anecdote croustillante sur le terme pontife vient du mot “pont” car comme l’arc-en-ciel, les empereurs romains et les papes sont le pont entre le ciel et la terre. Pas de pression.
De nos jours, les couleurs de l’arc-en-ciel sont souvent reprises notamment par la communauté MOGAI (Marginalized Orientations, Gender identities, And Intersex) pour son drapeau mais aussi pour définir le drapeau de la paix car les couleurs sont considérées comme harmonieuses.
Bref, comme l’arc-en-ciel est plus dur à invoquer que la pluie au cinéma, on en trouve pas des masses.
Voilà mes trois films subjectivement choisis sur le thème avec des scènes de pluie intéressante :
- Mon voisin Totoro pour la célèbre scène de l’attente du bus. Cette scène est très nostalgique pour moi car j’imitais avec ma sœur Totoro et son parapluie.
- The Truman Show pour son clin d’œil aux clichés qui veut que quand ça va mal pour un personnage et qu’il remarque que ça pourrait être pire, il se met à pleuvoir. Mais là que sur Truman.
- Dur de ne pas mettre Blade Runner dans un épisode consacré à la pluie et son célèbre monologue sous la pluie.
Et j’ajoute Full Metal Alchemist, peu importe la version, un anime vraiment intelligent, bien foutu, bien écrit, bien dessiné. Bref, mon manga/anime préféré.
Cet article est à présent terminé, j’ai pris beaucoup de plaisir à le faire car comme la pluie est nostalgique, cet épisode m’a replongé dans mes années colléges/lycées.
J’espère que cela vous aura intéressé et que vous ne verrez plus la pluie comme avant les films. N’hésitez pas à me dire vos scènes pluvieuses préférés et sur ce je vous dis à bientôt, portez-vous bien et ouvrez l’œil !

Films où la pluie est un symbole fort
- Noé Darren Aronofsky (2014)
- John Wick David Leitch et Chad Stahelski (2014)
- Watchmen Zack Snyder (2009)
- Le Seigneur des anneaux : les deux tours Peter Jackson (2002)
- Les évadés Frank Darabont (1995)
- The Truman show Peter Weir (1998)
- Mon voisin Totoro Hayao Miyazaki (2002)
- Quatre mariages et un enterrement Mike Newell (1994)
- Henry V Kenneth Branagh (1991)
- Blade Runner Ridley Scott (1982)
- Matrix : Revolutions Lilly et Lana Wachowski (2003)
- Full Metal Alchemist Seiji Mizushima (2003)
- The Crow Alex Projas (1994)
- Seul au monde Robert Zemeckis (2001)
- N’oublie jamais Nick Cassavetes (2004)
- Thor Kenneth Branagh (2011)
- Ghost in the shell Mamoru Oshii (1997)
- In the mood for love Wong Kar-Wai (2000)
- Bodyguard Mick Jackson (1992)
- The amazing spider-man Marc Webb (2014)
- Dark City Alex Projas (1998)
- Priest Scott Charles Stewart (2011)
- Vikings Michael Hirst (2013)
- Batman Begins Christopher Nolan (2005)
[…] Découvrir les symboles de la pluie au cinéma : « Pourquoi il pleut toujours pendant un enterrement dans les film ? » […]