reco-avril2022

Recommandations culturelles du mois d’avril 2022

Musique

Itorah – Side B

Bande originale du jeu éponyme de Filippo Beck Peccoz.

Itsumo nando demo

Reprise du titre du film Le voyage de Chihiro par Pomme

Art

Hilary Jane

Tatoueuse et illustratrice, elle a un style rétro, aux couleurs d’automne. Très spirituelle et ésotérique, elle guérit ses trauma avec son art en espérant faire de même pour les autres.

À découvrir sur instagram.

Littérature

La compagnie noire de Glen Cook (1984)

Découvert par hasard dans une bibliothèque partagée, je l’ai pris en me disant que ça allait cliché et chiant. 2 ans plus tard, je terminais les 13 tomes de la saga en ayant le cœur lourd. Je n’ai jamais lu et tenu aussi longtemps avec des personnages.

La compagnie noire est une troupe de mercenaires qui loue ses services aux plus offrants. On n’est donc ici du côté non-vertueux de la morale car le livre parvient très vite à nous faire comprendre qu’il n’y a pas de morale, dans aucun camp. Même celleux que l’on nommera la rébellion n’a aucune morale à emporter des innocents. 

On suit donc Toubib, médecin et analyste (rôle qui permet de noter les aventures de la compagnie depuis sa création), mercenaire depuis un bail. Dans le premier tome, on est jeté directement dans le bain, sans préambule dans l’action. Bientôt l’action va prendre le chemin de la trilogie : la lutte de la Dame contre la Rose Blanche. 

Ici, on se retrouve bien souvent dans le camp qu’on peut appeler celui des méchants d’une histoire classique, et pourtant, on s’attache très vite à cette bande composée de Toubib, Qu’un-Oeil, Gobelin, Silence, Elmo, Corbeau, Le capitaine, Le lieutenant et bien d’autres. Mais aussi de Chérie et de la Dame. Les femmes (dans la 1e trilogie) sont peu nombreuses mais elles font déjà bonnes impressions. Elles ne sont ni potiches ni enjeux sexuels (il n’y a que très peu et sur une longue période donc la romance est justifiée et mignonne). C’est ce qui m’a plu dans ces livres : les femmes peuvent être négatives, positives, fortes, faibles, mère, guerrière et souvent tout ça en même temps. Elles ont autant de profondeur que les mecs. Elles prendront plus de place dans les tomes du Sud.

Il y a aussi une belle représentation tout domaine confondu. Donc les femmes sont bien représentées. Chérie est sourde et muette et ça ne l’empêche pas d’être un personnage très important. La compagnie va prendre le pli pour discuter avec elle en s’inventant une langue des signes. Quasi toute la compagnie est âgée, plus de 40 ans, rare pour être soulignée. Les sorciers de la dame sont plutôt défoncés aussi, mentalement et physiquement, iels restent hyper puissants et dangereux. Qu’un-Oeil est un sorcier noir, et il est parfois fait mention de cette spécificité pour parler de l’étonnement des gens qui ne connaissent pas cette couleur de peau. Le message n’est pas pour parler de racisme car il n’y a pas l’air d’en avoir, tout comme le sexisme. Comme le message d’ensemble est “tout le monde peut être amoral”, il n’y a pas de place pour les autres considérations. Et ça fait plaisir de lire un monde où on n’a pas ce genre de réflexions par rapport à notre monde.

Deuxième chose que j’adore dans ce livre : la magie. La magie ici est faite à base de danse, de paroles, de signes des mains et surtout elle est colorée comme l’arc-en-ciel. On se retrouve donc dans des carnages à base de boules roses et bleues, des filaments verts. C’est hyper visuel et beau et pourtant on n’est incapable de dire qu’elles sont les limites des pouvoirs de chaque magicien. 

On sent que l’univers est tangible et existant. Les non-héros existent, on les fait parler, on est souvent à hauteur de petits gens. C’est poisseux, visqueux et sordide.

C’est écrit simplement, sans fioriture, avec du langage parlé voire vulgaire car le point de vue est celui de Toubib. On lit le journal d’un mercenaire (puis d’autres qui reprendront le rôle car sur 13 tomes, il s’en passe des choses et l’histoire se renouvelle sans perdre son intérêt, ça aussi c’est une prouesse). Donc il y a peu de description ou éparpillée, des récits sont racontés en hors-champ car Toubib n’y était pas.

Bref, une saga à découvrir pour vivre vos meilleures années avec la compagnie noire. Et il me manque un livre à lire, un spin-off.

Cinéma

Les vedettes (2022)

De Jonathan Barré

Avec Grégoire Ludig , David Marsais du palmashow et Julien Pestel

Daniel et Stéphane travaillent ensemble dans un magasin d’électroménager mais ne s’entendent pas du tout. Daniel est plutôt un branleur et Stéphane, le fayot/bon élève. Daniel se rend compte que Stéphane peut deviner le prix de n’importe quel article du magasin et monte un coup pour lui faire passer les auditions d’une émission de télé pour rembourser leurs dettes mutuelles. Sauf que rien ne se passe comme prévu.

J’avais peur que ça ne soit pas drôle ou pas bon mais à part une chose nulle, toutes les autres vannes sont drôles. L’humour est noir, cynique, acerbe par moment et ne fait de cadeaux à personne. Les pires personnages sont évidemment ceux avec du pouvoir. Il y a une critique de show business plutôt fortes et une compassion pour ces deux losers de la classe pauvre/prolo. Il n’y a pas de classicisme dans ce film, c’est même tout l’inverse. 

Les personnages sont attachants tout en restant dans leur caractérisation. Les acteurtrices jouent très bien surtout Pestel en responsable des programmes véreux et cynique.

Bref, un chouette film du palmashow, qui fait le café !

Alerte rouge (2022)

De Domee Shi

Avec Rosalie Chiang, Sandra Oh, Ava Morse

Mei Lin est une pré-ado tout ce qu’il y a de plus banal : elle est bonne en classe, a des amies, des crushs sur un boys-band et aide ses parents à tenir le temple familial. Sauf que derrière cette apparente banalité se cache le chaos de l’adolescence. Mei Lin va devoir affronter qui elle est pour affronter le regard de sa mère mais aussi… quelque chose de plus surnaturel.

C’est un film très chouette qui m’a vite accroché par son humour, Toy Story 4 étant le dernier pixar vu. Ici, on a une double thématique qui s’emboite : celle de sortir du regard de ses parents et de vivre sa vie et celle des changements liés à l’adolescence. Perso, j’ai été plus touché par le 1e thème que par le second et c’est pour ça que je ris bcp quand j’entends je cite “on ne peut pas s’identifier à l’héroïne ». PTDLOL Le film a fait grand bruit car bcp de mecs cis (je suppose) n’ont pas accroché pour le manque d’identification. Et c’est là où on voit qu’il leur en faut peu pour se noyer dans un verre d’eau. Mais bref.

Dans ce film, il y a de chouettes thématiques comme dit précédemment mais aussi celle de l’amitié, de la confiance du père (et oui, ya un père cool, c’est à partir de ce moment où j’ai commencé à pleurer jusqu’à la fin du film), du poids de la famille, des responsabilités ou d’être étrange ou anormale. Il y a beaucoup d’empathie de la part des personnages secondaires et c’est chouette de voir une vraie sororité dans le film. 

La morale du film est très chouette car on nous montre que l’on peut s’accepter telle que l’on est, avec nos différences et ne pas suivre l’exemple de sa famille.

La réalisatrice et les doubleuses sont au moins de descendance chinoise donc un film porté par des concernées. D’ailleurs Domee Shi est la réalisatrice de Bao, un court métrage de Pixar que je vous conseille. Assez triste mais beau.

Souvenir goutte à goutte (Omoide poro poro) (1991)

De Isao Takahata

Avec Miki Imai, Toshirô Yanagiba, Yôko Honna

Sur recommandation de LysSombreciel

Taeko est une jeune femme venant à Tokyo et adorant la campagne depuis son enfance. Il y trouve son bonheur et sa tranquillité. Alors chaque été, il y retourne pour aider les agriculteurses. Cette année-là, elle se remémore ses souvenirs de CM2. 

C’est un film japonais tout en douceur et nostalgie, mélancolie. On y voit l’enfance d’une jeune femme, parfois en décalage avec son environnement. A 27 ans, elle n’est toujours pas mariée, pour la société japonaise, il y a un problème mais elle, elle est heureuse ainsi. 

Le film traite aussi des problèmes de la campagne et de l’agriculture, difficile où les jeunes désertent de plus en plus pour aller en ville. Des thèmes que l’on retrouve partout dans le monde montrant que le problème n’est pas lié à un pays mais à la mondialisation. Toshio, un jeune agriculteur qui accompagne Taeko pendant son été permet de soulever ses problèmes. Il est bien écrit car il est nuancé. Il est à la fois prévenant, un peu rustre parfois, on voit qu’il ne réfléchit pas par lui-même aux choses du monde, n’ayant pas forcément la culture pour mais ne manque pas de jugeote pour autant. Les dialogues entre les deux protagonistes sont intéressants car il montre deux mondes différents mais qui peuvent cohabiter. 

Un film donc un peu contemplatif où l’on ne sait pas très bien où l’on va car il nous montre un instant de vie et de souvenirs.

Last night in Soho (2021)

D’Edgar Wright

Avec Thomasin McKenzie, Anya Taylor-Joy et Matt Smith

Sur recommandation de ma soeur et de Melkor.

Eloise est une jeune femme qui rêve de devenir styliste, pour son rêve personnel mais aussi celui de sa maman, qui s’est suicidé des années plus tôt. Elle sort de sa campagne anglaise pour sa scolarité dans une école prestigieuse de mode à Londre. Elle loue à une vieille dame une chambre qui est rempli du souvenir d’une autre jeune femme dont la vie va boulverser celle d’Eloise.

Ceci n’est pas un film d’horreur juste la réalité et c’est bien plus effrayant. Je ne savais pas du tout les thèmes abordés quand j’ai lancé le film et j’ai eu quelques moments de pure angoisse car tout ce qui est montré peut arriver, est arrivé à certaines. Ce film parle de prostitution, d’emprise masculine et de survie dans un monde qui oppresse les femmes et les assouvit. Donc non, ce n’est pas un film horrifique.

Je ne suis pas une adoratrice de Edgar Wright, je ne porte pas la trilogie cornetto au pinacle, c’est sympa mais c’est tout. Mais ici, j’ai trouvé qu’il réussit parfaitement à donner à ses images un côté onirique (car la moitié du film est un rêve, une hallucination réelle) tout en rendant hommage à un film jamais sorti. Merci à ma sœur de m’avoir rappelé l’existence de L’enfer d’Henri-Georges Clouzot dont Wright se sert comme référence pour un plan iconique. Contrairement à Tarantino, dont @ me, Wright est un cinéphile qui rend hommage tout en proposant des choses bien à lui. La plupart des plans d’ailleurs sont faits sans trucage ni montage, ce sont les acteurtrices qui jouent la performance d’une traite. 

Il y a aussi plusieurs scènes/plans avec des effets visuels symboliques plutôt sympathiques. Je pense notamment à la scène où Eloise frappe un miroir pour venir enlacer l’autre femme. C’est un symbole fort pour parler d’un autre thème : celui de croire les victimes et de vouloir leur venir en aide. Le film parle de la parole des victimes et de croire ces paroles. Mais aussi de vouloir aider l’autre à s’en sortir, de l’empathie pour l’étrangère qui nous ressemble. Cela me rappelle Belle de Mamoru Hosoda qui parle aussi de ça. 

Comme il y a deux temporalités, on peut jouer sur les mentalités passées et présentes. Il y a le personnage de John, homme du présent, qui écoute et veut aider Eloise, malgré ses multiples rejets. Wright nous montre que les hommes peuvent être les bourreaux mais aussi des alliés (tout en respectant le fait que c’est son héroïne qui se sauvera et restera maîtresse de l’intrigue et de sa résolution, pas de mec pour finir le taff bravo). Il n’oubliera pas de nous montrer au début du film que les mecs d’aujourd’hui sont aussi des merdes avec deux personnages (taxi et mec lourdingue du bar) mais qui seront un peu éclipsés pour ne garder que la figure positive masculine mais unique qu’est John. 

Donc comme ma soeur et Melkor, je vous recommande chaudement Last night in Soho. TW pour les meufs car c’est dur ce qu’on y ressent, même si on ne voit jamais rien, Wright a la délicatesse de suggérer. 

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